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Y2 15 l'Abbaye de Morienval

Publié par Legrand

 

15 - L'ABBAYE  DE  MORIENVAL

           Dans les années 840/860, les Normands remontent la Seine, l'Oise, puis l'Aisne, jusqu'à Vailly-sur-Aisne où ils établissent leur camp. Sur leur passage, ils pillent et  incendient Noyon, Morienval, etc.                                                                                                      En 920, le Roi Eudes rétablit les titres de propriété de Morienval, brûlés par les Normands. Robert, frère du Roi Eudes, commença la reconstruction de l'église qui dura plus d'un siècle (ce qui nous conduit au moins en 1020); (extrait de J. Saincir).                                            En 1122, deux actes de donation sont signés par Drogon de Pierrefonds. Une des premières Abbesse de Morienval est Pétronille. Des chanoines de Saint-Denis célèbrent l'office divin, assistés d'un prêtre curé et de vicaires. (voir J. Saincir), ce qui permet d'établir le lien entre l'Abbé Suger de Saint-Denis et l'évêque de Soissons, J. de Vierzy, Morienval faisant partie de l'évêché de Soissons, et de comprendre que ce qui se fait à Morienval est connu tout particulièrement du clergé de Soissons, qui intervient peut-être même dans les travaux, et de l’Abbé Suger.                                                                                            Cette connaissance aura une importance au sujet de la naissance de l'architecture gothique. Le chœur en hémicycle de Morienval influencera le transept sud de Soissons qui, à son tour, influencera le chœur de la basilique de Saint-Denis. Quelques documents dont l’analyse va s’avérer très intéressante préciseront les dates d’exécution des travaux réalisés en 1122 et 1125 dans cette église.

           D'après Les chapiteaux de l'église de Morienval, étude réalisée par l'Association dénommée : "La croisée d'ogive", on peut relever les renseignements suivants :                            - 1ère campagne vers 1050 : 6 Chapiteaux (style roman);                                                  - 2ème campagne vers 1060 : 11 Chapiteaux(style roman);                                               - 3ème campagne vers 1122 : de nombreux chapiteaux dans le chœur et dans le pseudo déambulatoire (réfection actuellement visible);                                                                   - Puis, dans des études, des extraits et des échanges de courriers concernant l'Abbaye de Morienval, on trouve certains renseignements (voir les échanges de courrier entre les architectes confrères en 1903) dont voici quelques extraits :                                     - Etat des lieux du bâtiment de 920 relevé en 1900 par M. Ventre, Architecte (Projet gallo-romain);                                                                                                                        -          Plan du bâtiment, de 1122, inspiré de celui de 920 et qui aurait été repris cons-ciencieusement par M Selmersheim, Architecte en chef des Monuments Historiques, entre 1900 et 1903. Il correspondrait sensiblement au bâtiment existant actuellement (Plan n°1, en 1122, de style : opus francigenum, oeuvre française), défini ainsi par le moine R. Glaber depuis l'an 1000 jusqu’au premiers édifices gothiques).

           A la lecture des différents documents énumérés ci dessus, il est souvent indiqué que les travaux de 1900 ont été faits avec soin mais sans autre précision quant à ces derniers, mais avec la certitude que l'état actuel n'est pas trop éloigné de celui de 1120, d'après la précision fournie par M. Lefèvre-Pontalis. Renseignements fournis par les archéologues de 1900 : Etat des lieux de la construction de 1122 dont il faudra tenir compte dans les raisonnements qui suivront

 

Voûte du chœur de Morienval du type cul de four

Voûte du chœur de Morienval du type cul de four

Amorce des 6 rangs de la voûte en berceau dont la réalisation a été stoppée par Saint-Bernard en 1124 et remplacée par la croisée de nervure (d'ogive), par la suite.

Amorce des 6 rangs de la voûte en berceau dont la réalisation a été stoppée par Saint-Bernard en 1124 et remplacée par la croisée de nervure (d'ogive), par la suite.

 

CONSTATS

           1) La distribution du plan est basée sur une division octogonale, ce qui entraîne un point porteur dans l'axe et surmonté d'une baie. Cette disposition n'est pas viable, les deux ouvrages sont antinomiques et cela va poser un problème lors de la réalisation des fausses nervures. Il est impératif de conserver la baie nécessaire à la détermination de l’équinoxe de printemps, laquelle marque le début de l’année religieuse et civile à cette époque.                     2) Un détail important et qui n’a jamais été remarqué doit être signalé, c’est l’amorce d'une voûte en berceau, incrustée dans les murs des tours nord et sud, dont la réalisation sera brutalement interrompue puisque les cinq et les six rangs, réalisés en 1123/1124, dans les tours nord et sud, sont encore visibles aujourd’hui. Cet arrêt brutal va être suivi par la réalisation d'une voûte d'esprit gothique entre les deux tours dont la connaissance dans l'Isle de France ne peut apparaître qu’à partir des années 1123/1124, ce qui correspond à l’arrivée de Saint-Bernard lors de l’installation de Norbert de Xanten à Prémontré, en 1120, et sa présence possible dans l’Isle de France. Cette constatation permet d’affirmer que les travaux, dans le chœur de l’édifice, ont bien été réalisés en 1122.                                                                  3) On constate également la réalisation de deux nervures inutiles pour une voûte en cul de four et, en plus, si l'on se réfère aux points porteurs, ces nervures devraient être au nombre de trois. La troisième, qui devrait être axiale, correspondrait à la baie axiale qui a été réalisée puis, comblée et rouverte. Erreur qui n'a pas été faite dans l'établissement du plan du transept sud de la cathédrale de Soissons, ce qui en l'occurrence, permet d'envisager une date ultérieure et, pour tenir compte de l’évolution des connaissances, soit à partir de 1125. (Proposition qui me sert dans l'étude de la datation du transept sud de la cathédrale de Soissons).                                                                                                                           L'ensemble de ces constatations intervient dans le raisonnement pour établir une proposition de datation de l'église de Morienval, elles ne certifient pas les dates de 1122 et de 1123/1124, mais les accréditent. De même, c’est le lien entre les propositions de datation des travaux sur les divers édifices analysés qui semble leur donner une certaine valeur.

           Le terrain sur lequel est construit le chœur de Morienval est de très mauvaise qualité, déjà en 920 (composé d’argile et de sources), et il faudra en tenir compte pour la conception et la réalisation du bâtiment en 1120. Ces renseignements vont être pris en compte. Le concepteur de 1120 va reprendre la forme demi circulaire et hémisphérique de 920, parfaitement adaptée, mais il va doubler le mur périphérique, en créant un pseudo déambulatoire dans l'espace dont il dispose, afin d'augmenter la surface portante des fondations, tout en n'augmentant que faiblement la surcharge. Il va cependant renforcer l'épaisseur du mur extérieur et l'équiper de contreforts beaucoup plus conséquents. Ce bâtiment, au niveau de sa conception, est à comparer à ceux conçus par les romains et les gallo-romains. L'édifice que nous avons sous les yeux comprend quatre compartiments qui créent un pseudo déambulatoire. Ces quatre compartiments présentent des nervures avec des queues, probablement incorporées à l'épaisseur de la voûte; ce ne sont pas des nervures d'esprit gothique mais elles sont très bien adaptées à leur fonction qui est de faire de cette voûte un monolithe. Ces nervures doivent être comparées aux nervures réalisées à Valsery, aux environs de 1130, (voir photo ci-après), comprenant, elles aussi, des queues liaisonnées à la voûte. Les parties du déambulatoire sont reliées au niveau des chapiteaux par des arcs rendant le tout solidaire et transmettant, par l'intermédiaire des colonnes, des forces homogènes, parfaitement adaptées à la mauvaise résistance du sol. Au dessus de ces voûtes monolithiques était réalisée une couronne, elle aussi monolithique, couverte de lauzes à l'emplacement de la couverture actuelle, en tuiles plates, et qui bloquait les faibles poussées de la voûte en cul de four. Cette voûte en cul de four, de par ses qualités, prouve l'homogénéité des travaux de la première phase (délimités en pointillés), elle exerce des poussées faibles, elle n'a pas besoin de nervures pour tenir, et les deux, à droite et à gauche de la baie axiale, sont inutiles. Par là même, elles n'ont probablement pas été réalisées par le concepteur des années 1120. A mon avis, il faut les considérer comme un lien de décor entre celles donnant l'apparence des nervures du pseudo déambulatoire et celles de la croisée de nervures gothiques de la voûte comprise entre les deux tours.                                                Ce pseudo déambulatoire est parfaitement conçu et adapté au sol qui le reçoit. L'ensemble doit répartir et absorber les charges d'une manière homogène. C'est la raison pour laquelle les pilastres, quelques peu massifs, sont conçus pour recevoir la charge de la couronne monolithique qui se trouve aux reins de la voûte en cul de four. La section importante de ces pilastres prouve l’existence de cette voûte en 1122.                                          A ce stade de réflexion, on doit considérer que le pseudo déambulatoire est réalisé avant les concepts de l'architecture gothique et que les amorces de voûte comprises entre les deux tours font encore partie de cette période pré gothique, ce qui permet de les dater de 1122, 1123 ou 1124, et c'est à partir des années 1123/1124 que se développe, dans l’Isle de France, l’utilisation des croisées de nervures (dites d’ogive). Cet arrêt brutal des amorces de la voûte en berceau, au profit de la "croisée de nervures", ne peut avoir lieu qu’en 1123/1124. La solution de la voûte gothique sur nervures est une solution connue d'une façon confidentielle et, probablement, uniquement par les moines cisterciens, dans leurs édifices, et qui en font un ''exercice de style'' avec, cependant, comme le sentiment que ''ça'' pourrait peut-être comporter bien des avantages. Mais, avant d'en avoir compris l'ensemble, il leur faudra effectuer plusieurs essais. Ceci durera environ une trentaine d'années et l'ensemble des réalisations sera situé en Bourgogne et dans l'Isle de France, particulièrement à Soissons, dans le transept sud. Celui qui en est le ''Chef d'orchestre'' est Saint-Bernard. Il est né près de Dijon, en Bourgogne, aux environs de 1090, et arrive dans la région aux environs de 1120, appelé par l'évêque de Laon, Barthélémy de Jur. Il fondera l'abbaye de Vauclair quelques années plus tard. C’est probablement lui qui, en 1124, avec les concepteurs de Morienval, décident de réaliser, à la place d’une voûte en berceau, une voûte sur croisées de nervures, qui sera une des premières. Ce sont les raisons pour lesquelles le pseudo déambulatoire doit être daté de 1122, date de réception des reliques de Saint-Anobert et non postérieurement.         L'amorce de la voûte entre les deux tours prouve deux choses, la première, c'est que les travaux sont interrompus brutalement, sinon la voûte en berceau aurait été réalisée; la deuxième, c'est que cette partie d'édifice n'avait pas de voûte auparavant. La différence des appareillage de ces reprises, en comparaison avec l'appareillage des murs des tours, est facile à faire. Les ressemblances constructives de cette voûte gothique avec les maladresses relevées par les archéologues des années 1900 leur fait penser qu'elle a été réalisée tout de suite après le pseudo déambulatoire, et par le même constructeur. Ce qui est probable, sans pour autant constituer une preuve. Tout cela pour dire que cette voûte en croisées de nervures a sûrement été réalisé à partir des années 1124/1125. Si on admet la réalisation de cette voûte en 1125, cela en fait la première dans l'Isle de France. A ce sujet, l'église de Morienval est bien dans l'Isle de France (voir le courrier échangé entre Lefebvre-Pontalis et Brutails en 1900, ainsi que L’Art et l’Homme en trois volumes, tome II page 321 aux éditions Larousse. Le manque de précision concernant la localisation de l’Isle de France m’a obligé à faire des recherches. (Voir l’étude à ce sujet, chapitre 10).                                                                          Pourquoi privilégier la date de 1122 (l'arrivée des reliques de Saint-Anobert), pour l'achèvement des travaux de l'hémicycle et non le début? Eh bien, tout simplement, par ce que choisir la date de 1122 comme étant le début des travaux conduit en 1125 pour leur achèvement et ne permet pas d'expliquer l'amorce de la voûte en berceau entre les deux tours car, en 1125, ils ont connaissance du procédé de la voûte gothique et, à ce moment là, ils l'auraient réalisée immédiatement, sans entreprendre la réalisation de l'amorce de la voûte en berceau.                                                                                                                           L'église de 920 ne devait comporter de voûte que dans le chœur, probablement une voûte en cul de four comme celle existant actuellement, le reste de l'édifice étant couvert de charpente et de tuiles, sauf les deux petites voûtes à droite et à gauche du chœur qui, selon A. Choisy, correspondraient à l’absence de sacristie (A. Choisy : "Nous ne connaissons aucune église romane ayant comme dépendance une "sacristie", selon toute apparence, à l’époque romane ils conservaient cette tradition qui s’est perpétuée dans le rite grec." (page 57, tome II) (de faire servir aux préparatifs du culte, les deux absides situées à droite et à gauche de la principale abside).

           ANALYSE

           L'étude des plans et de ce qu'ils recèlent comme informations est très rarement faite et pourtant, leurs avantages et leurs défauts révèlent beaucoup sur l'évolution chronologique des événements. Le plan du chœur comprenant une distribution, des points porteurs basés sur le demi octogone aux angles de 0°, 45°, 90°, 135°, 180°, permet d'envisager une étude sur la datation possible des premiers édifices dans les années 1120 et suivantes et ce, en fonction du procédé retenu par les concepteurs pour tracer les plans de leurs édifices. A Morienval, ce choix crée dans l'axe du chœur un point porteur surmonté d'une baie, en l'absence de nervure axiale, alors que les points 45° et 135° ont reçu des nervures (probablement réalisées ultérieurement car inutiles, la voûte en cul de four est auto stable). Il faut lire cette particularité ainsi : Au 11ème siècle, l'année commence à l'équinoxe de printemps, jour où le soleil se lève en plein Est, créant un rayon lumineux axial qui va traverser l'église dans toute sa longueur, au lever du soleil, et définissant le début de l'année. D'où cette baie très importante pour ce qu’elle engendre. Nous conservons, même aujourd'hui, des traces de cette période : si les mois de septembre, octobre, novembre, décembre, portent ces noms c'est qu'ils étaient le septième, le huitième, le neuvième et le dixième mois de l'année. Ceci définissait le début de l’année civile et la date du payement annuel des impôts. Eh oui, déjà! Ce ne sont plus les 7ème, 8ème, 9ème et 10ème mois, cela a changé, mais pas les impôts! La distribution du plan du transept sud de la cathédrale de Soissons, qu'il faut considérer comme un essai, fera apparaître une évolution qui, elle-même, sera très rapidement suivie par la distribution faisant intervenir le nombre d'Or; le chœur de Saint-Denis, bien que très proche, n'est pas une utilisation directe de la distribution utilisant le procédé géométrique du nombre d'Or, c’est une distribution heptagonale. En numérologie, le chiffre 7 est symbolique, de par ce qu'il signifie.

 

Le plan de Morienval

Le plan de Morienval

A : Pseudo déambulatoire terminé en 1122;

           B : Croisée de nervures située entre les deux tours, comprenant les amorces de la voûte en berceau réalisée en 1123, puis la croisée de nervures réalisée en 1124, suivie par la voûte de la croisée de nervures en 1124, et des fausses nervures du pseudo déambulatoire, réalisées après 1124;

           Tn : Tour Nord;

           Ts : Tour Sud.

           Précision : les nervures de la croisée de nervures (B) sont, au vu leur qualité, réalisées par un tailleur de pierre compétent, peut être un convers cistercien. Quant aux voûtes dont l’appareillage est de moins bonne qualité, elles ont pu être l’œuvre du même maçon que celles du pseudo déambulatoire. (voir photo) Sur ce point, je suis d’accord avec les archéo-logues de 1900 qui ont fait cette remarque.

Morienval façade

Morienval façade

 Claveau avec queue d'une nervure de voûte	à Valsery					            d'une nervure de voûte à Valsery.

Claveau avec queue d'une nervure de voûte à Valsery d'une nervure de voûte à Valsery.

Pony-Arcy, vue de dessus d'une voûte sur croisée de nervures

Pony-Arcy, vue de dessus d'une voûte sur croisée de nervures

Laon : vue intérieure Chapelle des Templiers

Laon : vue intérieure Chapelle des Templiers

             Voûte de Pont-Arcy : vue supérieure d’une voûte sur croisée de nervures. A remarquer que les queues des nervures n’apparaissent pas dans les angles rentrants. Ce qui signifie que les voûtes reposent sur les nervures.

           Chapelle des Templiers : c'est une coupole nervée datée de 1134 (début ou fin des travaux, non précisé). Ouvrage situé en pleine période des essais entrepris par les concep-teurs afin de découvrir les avantages et les inconvénients de cette nouvelle architecture. Il faut bien comprendre qu’une coupole exerce peu de force; ce qui explique la faible saillie des contreforts.

                 Les nervures, peu saillantes, laissent supposer des queues incorporées dans l’épaisseur de la voûte.

                                      

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