ZZ13 9- CROISEES D'OGIVES (de Nervures)
9 - LA CROISEE DE NEVURES
CROISEE D’OGIVE :
Terme imprécis désignant trop souvent, ou même généralement, le croisement des nervures dans une voûte gothique, alors que celles-ci sont en plein cintre et que ce sont les voûtes qui sont en ogive. Terme que je préfère remplacer par "croisée de nervures", ne définissant pas la qualité des nervures qui, dès lors, peuvent être en plein cintre ou en ogive.
CROISEE de NERVURES :
Rappel d'une observation d'un archéologue, dans une église de Paris :
"et pourtant, elles sont en plein cintre".
Il parlait des nervures qui, au début de l'architecture gothique, sont en plein cintre et qui ne seront en ogive qu'en 1210 dans la cathédrale de Reims, soit 90 ans après les premières voûtes. Les nervures soutenant les voûtes sont, dans les premiers édifices, construites en plein cintre, ce n'est que plus tard, comme à Reims, que les nervures seront en ogive. Par contre, les voûtes seront en ogive. Il faudrait alors toujours comprendre quand on parle de croisée d'ogives que : ce sont les voûtes en ogive qui reposent sur des nervures en plein cintre.
Quant aux arcs secondaires, ils seront réalisés en ogive, très rarement en plein cintre. Le diamètre directeur des nervures n’étant pas le même, ceci oblige à remonter la naissance de cette nervure. Dans l’église de Saint-Mard, une nervure du chœur a cette particularité d’être en plein cintre, comme les nervures de la croisée, mais d'un diamètre différent. La croisée de nervures est le fondement de l'architecture gothique. La réunion des forces transmises par les nervures, en des points particuliers, sont reprises par des contreforts (ou des arcs-boutants, plus tard), ce qui en fait le trait caractéristique; le reste n'étant qu'une question de choix technique ou esthétique. La nervure, dans l’architecture gothique, est appliquée à la voûte gallo-romaine de l'école de Bourgogne, jusqu'à la naissance de la voûte gothique. Dessin de Viollet-le-Duc de l'abbatiale de
Avant d'aller plus loin, considérons ce qui se passe dans les édifices de Bourgogne. Dans cette région, la plus évoluée au sujet de la recherche relative à la voûte en pierre, les constructeurs se confrontent aux problèmes suivants : les points faibles, dans une voûte d'arêtes, ce sont justement ces arêtes. Les renforcer vient à l'esprit, donc, ils vont ajouter des nervures et pourquoi ne pas les réaliser avant les voûtes, et tant qu'à faire, en se simplifiant la tâche, les concevoir en plein cintre, ainsi, ils obtiennent la solution qui répond au problème : réaliser une voûte longitudinale sans éclairage latéral, ou une suite de voûtes transversales avec des éclairages latéraux, mais dans ce cas, à chaque retombée des voûtes, un arc repose sur les colonnes et rompt l'unité longitudinale.
Je pense que dans les premiers édifices construits par les cisterciens dès l'an 1100, ils vont utiliser, pour des questions de facilité, des croisées de nervures en plein cintre, tel qu'expliqué précédemment, faciles à réaliser, reposant aux quatre angles d'un parallélogramme et supportant des voûtes. Parvenus à ce point, ils vont s'apercevoir que les problèmes rencontrés auparavant sont résolus : obtenir une voûte pratiquement sans retombée avec une possibilité : celle d'éclairer le vaisseau central. Après quelques essais dans l'Isle de France (1120/1125), et à Soissons, dans le transept sud, il ne reste plus qu'à l'appliquer dans un édifice de grande dimension et dans sa partie la plus large, la nef. C'est là que les circonstances vont favoriser Soissons, où l'on a déjà réalisé le transept sud, ville importante du domaine des Capétiens, au centre de l'Isle de France, après la rencontre de Saint-Bernard et de Joslein de Vierzy.
Cependant, tous les problèmes ne sont pas résolus. Les arrêtes, aux croisements des voûtes en plein cintre, dans les voûtes gallo-romaines (romanes), sont des courbes elliptiques et non des demi-cercles (voir figure 4, ci-après). Disposer des nervures en plein cintre sous les arêtes oblige à réaliser des voûtes transversales en ellipse. L'inconvénient majeur des nervures en ellipse consiste à devoir réaliser des claveaux (éléments de la nervure) qui seront tous différents les uns des autres. Pour leur stabilité, chaque plan de joint d'un claveau doit être perpendiculaire à la courbe au point considéré.
Pour tracer un plan de joint en un point de la courbe, il faut joindre les foyers O1 et 02 au point A, prendre la bissectrice de l'angle (01-A-02), puis la prolonger, de même, pour le point B, et ainsi de suite pour chaque claveau. Tous les plans de joints sont différents et, de ce fait, tous les claveaux sont différents et ne peuvent être utilisés qu'à l'endroit prévu, on ne peut pas les intervertir ni même les inverser. Il faut donc les numéroter, ne pas les mélanger lors du transport, etc. Une telle complication ne peut être envisagée sur un chantier. Pour remédier à cet inconvénient, il faut et il suffit d'adopter un profil de nervures en plein cintre (fig. 5 ci avant). A partir de cette décision, les plans de joints sont dans le prolongement des rayons de ce demi-cercle. Tous les claveaux, même de longueurs différentes, peuvent être intervertis et utilisés en n'importe quel endroit. Il devient possible de les fabriquer en série.
L'intérêt des nervures : Dans la croisée de nervures, on vient de voir que la réalisation de claveaux au rayon du plein cintre permet de les réaliser suivant différentes longueurs et que, cependant, ils seront utilisables d'une façon indifférente. Si les nervures intermédiaires (b sur le schéma n°1) qui, mathématiquement, devraient être en ellipse, sont prévues en arc ogive au même rayon que le plein cintre, les claveaux de la croisée de nervures pourront être utilisés pour la réalisation des nervures intermédiaires. Ils ont donc la possibilité de réaliser toutes les nervures d'une voûte avec un seul module de claveaux : avantage considérable dans l'organisation d'un chantier.
Quant aux arcs doubleaux (c sur le schéma n°1), ils font partie du mur extérieur, leur fonction est plus complexe : ils doivent supporter également, en plus de la voûte en ogive, le mur gouttereau jusqu'aux chêneaux, la charpente et la couverture (les voûtes intérieures seront réalisées sous la protection des intempéries), aussi, ils seront réalisés sous forme d'arcs, plus puissants que les nervures La forme en ogive de la voûte va donner l'envie au concepteur gothique de les réaliser, eux aussi, en ogive et permettre, oh! innovation, la réalisation de vitraux dans les façades latérales de la nef. Processus qui sera exploité pour la première fois dans la nef de la cathédrale de Soissons L'ensemble des nervures et des arcs de façade crée un système qui se contrebute et s'annule en partie. La réalisation de contreforts, remplacés par des arcs-boutants, complétera la nouvelle architecture. L'ogive n'est pas l'apanage de cette architecture, son origine remonte au Ve et VIe siècle avant Jésus-Christ, en Asie Mineure. Cet arc s'appelle Aughif puis, au Xe siècle "augive" et enfin ogive. Cet arc est utilisé dans l'architecture gallo-romaine, indifféremment de l'arc en plein cintre avec, cependant, une préférence pour ce dernier. Entre l'an 1000 et l'an 1150, la tendance se développe pour une utilisation préfé-rentielle de l'arc ogive sans qu'il y ait, pour autant, quelque nécessité de construction. Une des dernières utilisations de l'arc en plein cintre se voit dans la nef de la cathédrale de Noyon et, pour les arcs en façade dans le transept sud de Soissons. On en rencontre une utilisation qui débute au premier niveau par des arcs en plein cintre, nous sommes environ en 1125, puis, au second niveau, par des ogives évasées pour se terminer, au troisième niveau, par des ogives équilatérales, avant 1140, comme dans le transept sud de la cathédrale de Soissons (voir le chapitre 20 B, relatif au transept sud). L'arc ogive n'est donc qu'un choix de la part des architectes gothiques. Je ne parle pas des croisées de nervures qui sont la représentation même de l'architecture gothique. Les caractéristiques de l'art gothique, ce sont les croisées de nervures et le blocage des efforts transmis par ces dernières en des points particuliers par des contreforts ou des arcs-boutants. Il faut aussi y relier le fait que l'épaisseur d'une voûte est fonction de sa surface. Plus la surface d'une voûte est grande, plus son épaisseur doit croître, et inversement; donc le fait de diviser une voûte en plusieurs voûtes va permettre d'en diminuer l'épaisseur et, par voie de conséquence, de diminuer les poussées. A noter que la voûte barlongue de Soissons est divisée en quatre parties alors qu'elle précède les voûtes sexpartites; je ne pense pas que ce soit cela qui ait justifié ce choix. Maintenant, les arcs en ogive dans les murs verticaux sont un choix de la part des concepteurs, leur évolution passant du plein cintre à l’ogive, qui n’est pas une obligation, va se faire progressivement entre les années 1110 et 1150, pour pratiquement disparaître à partir de 1150. Cette remarque va me servir dans la datation des édifices tout en me créant bien des problèmes, en particulier, pour la cathédrale de Noyon.