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René Guenon et l'"erreur spirite"

Publié par Legrand

René Guenon et l'"erreur spirite"

René Guénon : L'erreur spirite

Je n'ai pas lu toute l'oeuvre de René Guénon, mais je respecte son érudition.

Son livre : L'erreur spirite (Les Editions Traditionnelles, 1952, 2ème édition) mérite quelques observations.

René Guénon s'est converti au soufisme (la branche mystique de l'islam, souvent rejetée par d'autres branches de ce dernier en raison de sa proximité avec la mystique chrétienne).

Ibn 'Arabi fut ce qu'on appellerait aujourd'hui, un Maître soufi lumineux. Son mysticisme est jonché de phénomènes paranormaux et il est étrange que René Guénon les disqualifie au même titre qu'il disqualifie le spiritisme.

Dès la fin du 3ème chapitre de L'erreur spirite, on se dit qu'il n'était pas nécessaire de noircir 400 pages réparties sur 14 chapitres, puisque tout est déjà dit, à savoir que la métaphysique pure est le seul critère du vrai et que les spirites sont des imbéciles. Traiter les gens d'imbéciles, autant de fois qu'on veut, n'a jamais contribué à faire d'une injure un argument de réfutation.

Dès la page 2 (avant-propos), nous sommes fixés : "Et encore faut-il ajouter que, pour pouvoir se dire spirite, il n'est nullement indispensable d'appartenir à une association quelconque ; il suffit d'admettre certaines théories qui s'accompagnent ordinairement de pratiques correspondantes."

Et à la page suivante : "...; mais ce que nous prétendons, c'est que les phénomènes ne fournissent qu'une base purement illusoire aux théories spirites, et aussi que, sans ces dernières, ce n'est pas du tout au spiritisme que l'on aurait à faire. D'ailleurs, cela ne nous empêche pas de reconnaître que, si le spiritisme était uniquement théorique, il serait beaucoup moins dangereux qu'il ne l'est..."

En réalité, sans les faits observés, le spiritisme n'aurait jamais eu une seule raison d'exister.

Guénon considère le spiritisme sur un plan purement théorique en posant "l'hypothèse spirite", en tant que théorie. Non seulement c'est une démarche contraire au spiritisme lui-même, mais de plus, c'est une démarche absolument contraire à toute démarche scientifique, laquelle considère d'abord les faits. La science expérimentale est un va et vient continu entre l'observation des faits, l'élaboration d'une hypothèse, sa vérification et enfin l'établissement de la loi relative au fait observé. La difficulté, dans les faits spirites, c'est qu'ils ne sont pas reproductibles à volonté, comme les faits scientifiques ordinaires. Et pour cause, ce sont les esprits eux-mêmes qui se manifestent, quand ils le veulent et de la façon qui leur convient le mieux, par rapport au médium qui reçoit la communication. Le médium n'a aucun pouvoir, ne produit rien, il n'est qu'un canal, un récepteur qui reçoit et qui retransmet. Par conséquent, la vérification doit se faire à plusieurs niveaux : étude du contenu, étude de la méthode de communication, recoupement avec d'autres faits similaires et vérification des faits terrestres pouvant être évoqués par les esprits. C'est ce qu'ont fait les scientifiques qui se sont penchés sur la question, mais Guénon s'empresse de les disqualifier : ils sont également des imbéciles et "les médiums sont des êtres malades, des déséquilibrés, des détraqués".

S'il fallait reprendre les arguments un à un, ce ne sont d'ailleurs pas des arguments, mais des affirmations infondées, il faudrait y consacrer un volume entier car, à quasiment chaque page, je relève une observation à faire valoir, eu égard à l'oeuvre d'Allan Kardec qui est ma référence fondamentale. Toutefois, les mêmes méthodes et les mêmes affirmations se trouvent si souvent répétées qu'il vaut mieux n'en retenir que l'essentiel qui se résume à 3 principes :

1) Réfutation du spiritisme à partir d'éléments qu'il ne comporte pas et qu'il n'implique pas, bref, qui ne concernent pas la philosophie spirite recueillie au travers des messages reçus et transmise par Allan Kardec, ni la façon de pratiquer qu'il conseille.

2) Référence à des faits, des théories, des mouvements de pensées extérieurs au spiritisme tels que le Fouriérisme, la Théosophie, l'occultisme, les Mormons, etc.

3) Ceci en s'arc-boutant sur la Vérité que représente la métaphysique pure, notamment, les traditions orientales. Il s'en prend aux "évolutionnistes", la conception desquels "est la négation complète de la métaphysique, celle-ci ayant essentiellement pour domaine ce qui est permanent et immuable, c'est à dire ce dont l'affirmation est incompatible avec l'évolutionnisme." (page 297). Ainsi, il conteste Darwin (sans le dire) au même titre que le principe d'évolution spirituelle inhérent à la loi de progression constante accompagnant le cours des vies successives.

Au sujet de ce qu'il nomme la vérité métaphysique, il est à retenir 2 points :

a) L'éternité, au sens guénonien, serait atteinte quand l'esprit du défunt se fond dans le Tout (c'est le concept du nirvana), soit le retour de l'être au non-être, dans le néant du Grand Tout. ..." l'immortalité entendue au sens métaphysique et oriental, c'est à dire du cas où l'être est passé, d'une façon immédiate ou différée (car peu importe, quant au final, qu'il y ait des cas intermédiaires), à l'état inconditionné, supérieur à tous les états particuliers dont il a été question jusqu'ici, et en lequel tous ces états ont leur principe; mais cette possibilité est d'un ordre trop transcendant pour que nous nous y arrêtions actuellement, ..." (page194)

En fonction de ceci, l'immortalité au sens spirite n'aurait pas de sens, la réincarnation serait impossible, ainsi que toute communication avec les esprits des défunts.

En réalité, les passages successifs dans l'au-delà correspondent à ces "cas intermédiaires" qu'il cite, en en faisant peu de cas, c'est le cas de le dire.

b) "Un être ne peut pas avoir deux existences dans le monde corporel, qu'elles soient successives ou simultanées". (page 212) ; et : " Or supposer une répétition au sein de la Possibilité universelle, comme on le fait en admettant qu'il y ait deux possibilités particulières identiques, c'est lui supposer une limitation, car l'infinité exclut toute limitation." (page 213).

Ces points métaphysiques sont les seuls évoqués; le point b) pourrait sembler une évidence naturelle et logique, une improbabilité statistiquement si forte qu'on n'en verrait pas l'aspect métaphysique, mais dès le début du XX ème siècle, les scientifiques ont découvert que des particules élémentaires peuvent être à la fois onde et matière, observation à l'origine de la physique quantique. La théorie de la relativité évoque le cas du chat qui est à la fois mort et vivant!

Dans l'histoire des phénomènes paranormaux, celui de la bilocation a souvent été rencontré : la même personne étant présente à deux endroits en même temps.

L'être qui se réincarne ne revient pas identique à ce qu'il était avant sa mort : il a évolué dans l'au-delà et il se réincarne en tant que nouveau né avec les éléments physiques et génétiques puisés dans les entrailles de son père et de sa mère qui sont autres que les précédents parents. Par conséquent, ces arguments dits métaphysiques, ne s'appliquent pas au contexte.

Tout ceci s'accompagne de contre vérités, d'erreurs et de mensonges dont la liste serait impressionnante. Mais, pour conclure, car il n'est pas utile de s'étendre davantage, c'est sa propre conclusion qui résume sa démarche, suivant laquelle le spiritisme est nuisible car il contrevient aux vérités de la métaphysique pure. Après un retour sur l'incompétence des spirites, leur inintelligence, "leur insuffisance naturelle", n'exprimant ainsi qu'une incroyable fatuité, se targuant "d'exprimer certaine vérités importantes; les vérités métaphysiques surtout, ...", (j'aurais aimé, pour ma part, en entendre d'autres, plus pertinentes et convaincantes, mais y en a -t-il?), il évoque une action collective occulte ayant favorisé le développement du mouvement spirite, issue du mouvement protestant, n'ayant d'autre but que la falsification de l'histoire : "l'histoire du spiritisme, à nos yeux, ne constitue qu'un épisode de la formidable déviation mentale qui caractérise l'Occident moderne;"

Il émet le voeu qu'une étude soit menée sur ce sujet, ajoutant : "Cela ne saurait être notre tâche, car ce domaine n'est pas proprement le nôtre; nous ne pouvons, en ce qui nous concerne, donner à cet égard que des indications et des aperçus, et d'ailleurs, une telle oeuvre ne pourrait être que collective."

C'est bien dommage car, démontrer que la théorie du complot est davantage qu'une supposition aurait été bien plus intéressant que de s'en prendre au spiritisme qui n'apparaît (au travers de ce livre) qu'empreint d'une naïveté proche de celle des enfants de choeur. Or, si complot il y a, ce ne sont certainement pas à des enfants de choeur que nous avons à faire et cela, effectivement, mériterait qu'on s'y intéresse de plus près.

Charles André Legrand

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