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Y3 16-BRANGES

Publié par Legrand

16 - L’EGLISE  DE  BRANGES

 

 

           L'Etude de l'église de Branges constitue un autre maillon dans la naissance de l'archi-tecture gothique dans l'Isle de France.

           Recherche de renseignements concernant le village de Branges et de ses environs :            - Arcy-Sainte-Restitue, village proche de Branges. Anciennement "Arseius", men-tionné en 1139 (prouvant l’existence d’une vie sociale), une vingtaine d’années seulement après les propositions de datation établies ci-dessous.

           - Mont-Notre-Dame : conciles en 589, 960, 972, 973, 977, 985, et synodes en 1015 et en 1023. Tout à fait logique étant donné la situation de Mont-Notre-Dame entre Reims et Soissons, qui sont deux évêchés établis en Gaule par Saint-Sinice et Saint-Sixte (sous l’empereur Constantin (306-337).

           - Bazoches : lieu du martyr de Saint Rufin et Valère en 280. Ce village appartient aux seigneurs de Châtillon dès le onzième siècle. L’église remonte au 12ème siècle, ainsi que la pierre des fonts baptismaux, selon Moreau-Nélaton. Selon ses photographies, les chapiteaux de cette église ressemblent fort à un de ceux de l’église de Branges. Le village de Branges faisait partie de l’évêché de Soissons.

           Ces quelques recherches tendraient à prouver que l'église Saint-Martin de Branges est un édifice ancien et que son état actuel est resté proche de son état d'origine.

 

              IMPRESSIONS ET ANALYSES

 

           La première impression qui se dégage est celle d’une chapelle ancienne dont le porche d’entrée, décoré d’un arc en plein cintre, comporte des sculptures représentant des bâtons rompus, moins appuyés que ceux de Condé-sur-Aisne, on pourrait les considérer comme des ébauches. Ils présentent un grand intérêt pour la datation de l’édifice. La façade latérale nord comprend deux parties, l’une correspondant à la nef, relativement sans relief, et l’autre, bardée de contreforts imposants, correspondant au chœur. Ces contreforts laissent prévoir des voûtes dont les poussées devront être reprises : ils ont été réalisés à cet effet; les voûtes auraient pu l'être en berceau, soit en plein cintre ou en arc brisé, ou sur croisées de nervures (ogives). Effectivement, l’intérieur confirme cette dernière proposition, et là on se trouve devant un édifice qui présente un très grand intérêt. Branges est un des maillons de la chaîne faisant lien entre l’opus francigenum initial et l'opus francigenum nervé, lien que je précise afin de monter l'évolution, terme utilisé par Raoul Glaber en 1003, moine chroni-queur bourguignon, fin du dixième siècle, (mort environ en 1033) et l’architecture nervée, désignée : Architecture Gothique. En effet, on a l’habitude d’associer les voûtes nervées à des arcs-boutants, ce qui n’est pas le cas ici et c’est là que réside l’intérêt de l’église de Branges. Cette particularité fait apparaître l’association de contreforts et de voûtes nervées, ce qui ne peut s’expliquer que par une oeuvre faisant lien entre l’opus francigenum et l’architecture gothique, donc après 1123 et avant 1140.

           Si on veut placer la réalisation du chœur après la date proposée, comment expliquer le style de la sculpture du chapiteau qui semble dater de la première décennie du 12ème siècle? Avant d’arriver à l’architecture gothique, les concepteurs de cette époque auront besoin de plusieurs essais avant d’aboutir. Des remaniements d’appareillages dans la première partie correspondraient à plusieurs interventions. Il semblerait que cette nef ait été, à l’origine, une salle de réunions avec, de temps à autres, dans ce lieu, une assemblée religieuse. A cette époque, le mur nord devait comporter deux fois trois baies avec des arcs en plein cintre et, au milieu, un renfort. Des traces dans la maçonnerie le laissent supposer tant pour les baies que pour le renfort (contrefort). Les maçonneries restantes du mur initial, constituées de moellons aux assises régulières, font apparaître une œuvre de qualité, de même pour les claveaux des baies. On se trouve en présence d’une maçonnerie dont la qualité évolue depuis un siècle, passant de murs en moellons bruts à ceux en pierres créant des assises à un seul niveau entre assises. Nous sommes dans la période 1105/1110.                                                              L'étude de l'église Saint-Martin de Branges est intéressante, à condition de diviser cette étude en 3 parties :

           - la nef, datant de 1105/1110 (retour des croisades);

           - le chœur, datant de 1123/1130 : augmentation du nombre des chrétiens;

           - une chapelle seigneuriale datant de 1125, environ, correspondant à la fin de la féodalité.

 

           Les travaux de cette église semblent avoir été réalisés pratiquement en continu et pendant une courte période, au début du douzième siècle et terminés en 1130 environ. N’oublions pas, comme nous le verrons un peu plus loin, que nous sommes probablement en pleine période de la première croisade et de l’élan religieux qui la caractérise. Ce qui expli-querait le besoin de l’agrandissement de cette salle par l’adjonction du chœur.

           La nef est à classer dans l’architecture "œuvre française du début", le reste, dans l'architecture "œuvre française avec nervures", précédant de peu l’architecture gothique.

           Cette période, au niveau historique, se situe à la fin de la féodalité sous les Rois Capétiens : Philippe Ier et Louis VI, au moment où l’élan religieux pousse les laïcs et le clergé aux premières croisades. (999-1105). Ceci pourrait expliquer les bâtons rompus ornant le porche et qui, selon Choisy, est un des traits caractéristiques de l’influence de l’archi-tecture du proche orient (retour des croisades aux environs de 1105).

           Pour revenir à cet édifice, son intérêt réside aussi dans le fait que la première salle est réalisée en tant que salle de réunion destinée à tous les usages, dont celui du culte, suivi par celui dont le caractère plus religieux tendrait à faire penser à une "Eglise" mais, en réalité, à cette époque là, il ne faut pas oublier que c’est toujours une "salle de réunions" ("église" vient du grec et du latin, ekklesia puis egglesia, signifiant "assemblée"). Les contreforts suggèrent une date de réalisation, pour être précis, pendant celle des contreforts à retraites, qui eux, précèdent les arcs-boutants, dont les premiers seront ceux de Saint-Gervais - Saint-Protais de Soissons (environ 1140, voir chapitre n°21 concernant la cathédrale de Soissons). Les contreforts ont été réalisés pour reprendre les efforts des voûtes sur nervures. Les contreforts sans retraits auraient été réalisés avant (1122, 1123, 1124) parce que ceux datant d’après, avec retraits, sont contemporains du début de l’architecture gothique (voir Choisy). C’est sous l’influence de Saint-Bernard, dont les premières manifestations dans l’Isle de France, et particulièrement dans le diocèse de Soissons, sont perceptibles et remontent à 1122, qu’apparaissent les premières voûtes sur nervures. La première voûte sur croisée de nervures datée avec quelques certitudes étant celle de l’abbaye de Morienval en 1123/1124. La voûte sur croisée de nervures de Morienval, coincée entre les deux tours nord et sud n’a pas besoin de contreforts, ce qui ne fournit aucune précision concernant le choix des éléments de butées. Les premières voûtes sur nervures semblent avoir été réalisées par les moines cisterciens dans les abbayes bourguignonnes dès l’an 1100. Sauf éléments contraires, il serait logique pour faire correspondre ces diverses propositions, d’envisager les dates de 1105/1110, pour la nef et 1125/1128 pour le chœur. Un élément complète ces propositions, c’est la corniche (dont les moulurations sont sans décor), et qui est probablement légèrement antérieure à celle de Morienval qui elle, est datée de 1120/1122.

           Bien que demandant beaucoup d’efforts financiers, cet édifice, par ce qu’il représente, mérite d’être conservé et remis en état, il fait partie de notre patrimoine. Il est vétuste mais pas délabré. Comme les investissements n’ont pas encore été faits pour les murs, il serait sage de bien réfléchir à l’état dans lequel il est souhaitable de l’avoir à la fin des travaux. Et ceci pour éviter des reprises, toujours plus coûteuses. Faire, défaire et refaire? Ceci concerne tout particulièrement les six baies bouchées au nord de la nef, dont certaines traces semblent être apparentes et dont il faudrait s’assurer de l’existence lors du nettoyage des murs.

           Les arcs brisés sont probablement d’origine dans le chœur, cependant, il est difficile de concevoir que les moulures de la baie axiale soient contemporaines de l'édification, quant aux arcs extérieurs brisés de la nef, ils semblent avoir été réalisés pour donner de l’unité à l’ensemble, l’appareillage du mur le laissant supposer.

           La charpente que l’on voit au travers des solives semble une charpente triangulée.

           Etude à poursuivre par ce que l’on peut extraire du livre de Viollet le Duc sur ce sujet.

           Je signale que les fonts baptismaux paraissent très anciens, sont-ils d’origine? N’ayant pas une connaissance suffisante sur ce sujet je ne peux donner aucune précision, bien que les sculptures qui l’ornent soient dans le même style que le chapiteau du chœur, qui lui, est certainement d’origine, et dont la facture fait penser à ceux de l’église de Condé-sur-Aisne. L’église de Branges n’est peut-être pas le seul édifice à présenter les caractéristiques que l’on a décrit, mais elle est le maillon d’une chaîne, et si on le détruit, la chaîne n’a plus de continuité.

           En ce qui concerne les vitraux, leur préservation est du plus grand intérêt.

 

           Façade du chœur (photo ci-après) L’importance des contreforts à retraites de cette façade oblige à admettre que :

           1) Les concepteurs ont l’intention de réaliser des voûtes sur nervures;

           2) Ils savent que ces voûtes vont exercer des poussées;

           3) Ils n’ont pas encore inventé les arcs-boutants;

           La période se situe donc entre 1124 et 1135.

 

           Porche de l’église (photo ci-après) : le décor à bâtons rompus du porche permet de proposer comme date 1105/1108, retour des croisades, correspondant aux assises régulières de la maçonnerie de la façade nord de la nef dont il ne reste que quelques éléments au droit des trois contreforts. Ce genre de maçonnerie correspond aux années 1100.

Branges, façade du chœur et porte d'entréeBranges, façade du chœur et porte d'entrée

Branges, façade du chœur et porte d'entrée

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